NEW - Brest et ses remparts

Les remparts: pour la défense, mais pour le train aussi.

Explications:

A l'époque où des milliers de kilomètres de lignes de chemin de fer d'intérêt local sillonnèrent la France, Brest eut aussi une ligne de "petits trains" (lignes à voie unique avec "voie métrique" - écartement d'1 m.), ceci par opposition aux "grands trains", c'est à dire les lignes des réseaux d'intérêt national, qui avaient une double voie "normale" dont l'écartement est de 1,435m. La ligne de Paris à Brest avait été achevée en 1865, et c'est dans la dizaine d'années qui suivirent que l'on commença à penser à la création et au développement des lignes d'intérêt local, afin de dynamiser l'économie de régions jusque-là isolées. Ainsi la ligne de Brest à Ploudalmézeau fut-elle ouverte en 1893, et son exploitation confiée aux Chemins de Fer Départementaux du Finistère (C.F.D.F.). Elle avait pour but de désenclaver la région côtière au nord de Brest. Plus tard, des bifurcations desservirent, entre autres, Plabennec, Lannilis d'une part, et Lesneven puis Saint-Pol-de-Léon (déjà desservie par les grands trains depuis Morlaix) d'autre part.


(Extrait de carte: https://fr.wikipedia.org)

Ces petits trains connurent un succès rapide, et l'âge d'or perdura jusqu'à la fin des années 1920, quand l'arrivée progressive des voitures, cars et camions les condamna irrémédiablement, à plus ou moins brève échéance. Les premières lignes furent fermées au début des années 1930, certaines d'entre elles fonctionnant encore jusqu'à la seconde guerre mondiale, durant laquelle quelques tronçons non encore déposés furent localement réutilisés par l'occupant allemand. La ligne de Brest à Ploudalmézeau fut maintenue en service complet au moins jusqu'en 1934. Les dernières lignes en sursis (ou du moins ce qu'il en subsistait après la seconde guerre mondiale) furent fermées en 1946.

A Brest, ville coincée derrière ses remparts, on eut l'idée d'utiliser la seule place disponible pour faire circuler le train: le fossé en avant des remparts.
Le trajet qui nous intéresse ici n'est pas long: 1,5 km entre la gare des C.F.D.F. et la sortie de la galerie de Heurtebise. Partant de la gare des C.F.D.F., la voie longeait l'avenue de l'Amiral Réveillère, puis à l'avancée de la porte Foy, descendait dans le fossé pour ne quitter celui-ci qu'au sortir de la galerie de Heurtebise; auparavant elle était passée dans la courte galerie de la porte de Landerneau.


(Plan: Les Guides Bleus, Bretagne, Librairie Hachette, 1930, coll. O. Doher)


(Plan: Archives de la ville de Brest?, années 1930?)


(Photo: Brest métropole Espace Cartographie)

1. La gare des Chemins de fer Départementaux
Extraordinaire bâtiment que cette gare, dont l'architecture et la décoration tentaient de rivaliser avec celles de la gare des Chemins de Fer de l'Ouest voisine, et avec laquelle elle avait des installations de transbordement. Ayant survécu à la seconde guerre mondiale, elle fut détruite vers 1950 pour permettre la construction de la gare routière.
(Quant à la gare de l'Ouest - l'Ouest: Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest, incorporée au Réseau de l'Etat (Ouest-Etat) en 1909, puis à la SNCF en 1938 - elle fut remplacée de 1932 à 1936 par la gare que nous connaissons actuellement, et qui put être conservée malgré les dommages subis pendant la guerre).








(Photos: delcampe.net)

2. Le trajet dans les remparts
Si les gares ont été abondamment photographiées, les photos semblent plutôt rares; en voici quelques unes.

Départ du train au niveau de l'avenue de l'Amiral Réveillère, avant la descente dans le fossé. A l'arrière-plan: la gare l'Ouest .





(Photos: delcampe.net)

Dans le fossé
La photo postée plus haut par Priol semble prise au temps de la présence américaine entre 1917 et 1919. Compte tenu de la disposition des remparts et du tracé de la ligne, elle doit se situer à l'entrée de la voie dans le fossé, juste après l'avenue de l'Amiral Réveillère.

(Photo: Priol, cf. plus haut)



Dans le fossé, suite



(Photos: delcampe.net)

Les "tunnels": en jargon ferroviaire, ce ne sont pas des vrais tunnels, au sens traditionnel du terme (tunnels de percement), mais des passages couverts réalisés après la pose de la voie. C'est à ce titre qu'ils sont désignées "galerie".

La galerie de la porte de Landerneau
C''est un passage couvert d'à peine cinquante de mètres de long.



(Photos: delcampe.net)

La galerie de Heurtebise
Longue de 90 m, c'est en l'empruntant que le train sort du fossé. Elle existe toujours aujourd'hui (2022), mais n'est pas libre d'accès. Bien que l'intérieur donne l'impression d'être dans un vrai tunnel, ce n'en est pas un: puisque à cet endroit, la ligne quitte le fossé, la contre escarpe de celui-ci a du être éventrée pour poser la voie dans une tranchée qui a été ensuite maçonnée et recouverte. Une source indique qu'elle aurait été réalisée en 1896, soit trois après l'ouverture de la ligne. Son accès sud est bouché, suite au comblement des fossés, mais son accès nord est visible. On note qu'une voûte de plus grand gabarit a été rajoutée de chaque côté de la galerie originelle, l'accès nord permettant de voir que cet agrandissement a servi à loger un corps de garde pourvu de créneaux de défense en façade et dans la galerie elle-même (créneaux aujourd'hui murés). L'ouvrage a été utilisé par les Allemands durant la seconde guerre mondiale, qui ont creusé une galerie parallèle à la galerie ferroviaire, mais à un niveau légèrement inférieur; elle est accessible par la galerie originelle, et rejoint le corps de garde côté nord. (Ouvrage partiellement visité en février 2022, mais pas d'autorisation pour la diffusion des photos).

Photos: à gauche: 1919, Brest métropole Espace Cartographique; à droite: 31.10.1946, IGN.
On voit qu'en 1946 l'accès sud de la galerie est déjà bouché.


Disposition intérieure

(Source: ITFF)

Sortie nord





(Photos: O. Doher, 2022 (ext) et 2014 (int)

1944: la fin
Pour la plupart des lignes du réseau des C.F.D.F. encore actives, le service fut suspendu de 1939 à 1941. Les installations qui pouvaient encore servir furent utilisées par l'armée allemande d'occupation. A Brest, la zone ferroviaire, tant S.N.C.F. que C.F.D.F., fut passablement endommagée; en 1944, la gare C.F.D.F. était toujours debout, mais elle fut détruite vers 1950 afin de permettre la construction la gare routière.
Quant à la voie au départ de la gare, elle avait pratiquement disparu: sur la photo c-dessous, on distingue encore, en bas à droite, en courbe, une partie de la tranchée de descente vers le fossé, qui sera bientôt totalement comblé.


(Photo: SDASM Archives)

Vue sur les deux gares, prise depuis un immeuble situé sur le boulevard Gambetta, vers septembre 1944.

(Photo: ebay, via https://www.facebook.com/brest44)

Une autre vue de la gare C.F.D.F., prise depuis le bas du boulevard Gambetta.

(Photo: ebay, World War 2 sales)

Un agrandissement permet de voir que les Allemands ont utilisé le petit train: le panneau allemand au-dessus du quai est encore en place: KLEIN BHF BREST: (Klein Bahnhof Brest, Petite gare de Brest). A gauche: une des locomotives des C.F.D.F. (type 030T Corpet-Louvet), qui partira bientôt à la casse.



(Photo: "Douves des fortifications. - Destruction : vue des wagons du chemin de fer départemental, à l'arrière-plan la porte Foy. 1944. Photo Henri Chalois, tous droits réservés"
https://www.facebook.com/archivesbrest)


Olivier D.